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Cerveaux (dé)confinés.

Lorsque nous bougeons d’un endroit à l’autre, notre cerveau active une connexion qui nous donne du plaisir. Ce mécanisme est si puissant qu’il pourrait nous donner envie de bouger toujours plus…

L’enjeu est donc de savoir le modérer.

Depuis quelques jours, nous vivons une nouvelle vie. Sortir de chez soi, rencontrer des amis, se balader en forêt, aller et venir librement : c’est comme si notre cerveau respirait de nouveau ! Et c’est effectivement ce qu’il fait, comme l’ont montré des chercheurs des universités de New York et Miami. Ils ont en effet découvert un circuit dans notre cerveau qui nous fait sentir bien lorsque nous explorons des environnements nouveaux et variés, au lieu de rester chez nous immobiles.

Citoyens géolocalisés volontaires

Dans ces expériences, le neuroscientifique Aaron Heller et ses collègues ont étudié par géolocalisation les déplacements quotidiens de 132 personnes dans les villes de New York et de Miami (cela se passait avant l’épidémie de coronavirus). Leur but était de tester sur l’être humain une hypothèse émise à partir de recherches sur les animaux, selon laquelle la découverte de lieux nouveaux et le contact avec un milieu dit « enrichi » (regorgeant de couleurs, de formes et de trajectoires variées) stimulaient certains centres du plaisir et allaient jusqu’à favoriser la croissance de nouveaux neurones dans le cerveau.

Les volontaires ont donc vaqué à leurs occupations pendant trois à quatre mois, tout en acceptant d’être géolocalisés afin d’évaluer la diversité et l’étendue de leurs déplacements, ainsi que la variété des quartiers qu’ils visitaient, par exemple pour des raisons professionnelles, mais aussi pour faire du shopping ou aller chez des amis. Parallèlement, les participants devaient chaque jour remplir des questionnaires de bien-être subjectif qui mesuraient le plaisir et le bonheur qu’ils avaient éprouvés au cours de la journée écoulée.

L’étude fait apparaître une corrélation : plus vous voyez d’endroits différents et plus vous vous déplacez, mieux vous vous sentez.

Le GPS parle au centre du plaisir…

Ces deux mesures effectuées, les chercheurs ont vu apparaître une corrélation très nette entre, d’une part, la longueur et la diversité des déplacements, et d’autre part le niveau de bien-être subjectif ressenti au cours de cette journée. Évidemment, ce n’est pas systématique : si vous avez dû courir en tous sens en étant pressé par le temps, ou encore si vous avez subi des contrariétés professionnelles ou familiales au cours de cette journée, le fait d’avoir parcouru une distance importante n’est pas un garant de bien-être mental ! Mais sur un grand nombre de personnes et de journées prises en compte, la règle statistique est là : plus vous voyez d’endroits différents et plus vous vous déplacez, mieux vous vous sentez.

Pour savoir ce qui se passait dans le cerveau de leurs cobayes au cours de cette période d’étude, les chercheurs les ont mis dans une IRM à l’issue de chaque journée et ont vu apparaître un fait étonnant : une connexion entre deux zones cérébrales, l’hippocampe et le striatum, était d’autant plus active que les déplacements de la journée avaient été variés. L’hippocampe est la zone de notre cerveau qui nous sert de GPS interne, elle mesure à tout instant où nous sommes, établit une mémoire des trajectoires et des lieux, c’est un véritable navigateur neuronal. Quant au striatum, il nous donne du plaisir dans une foule de circonstances (quand nous mangeons, regardons un film plaisant ou avons des relations sexuelles…). L’activation de cette connexion montre donc que lorsque nous bougeons, que nous sortons de chez nous, visitons des endroits divers et variés, notre hippocampe – le fameux GPS interne – active notre striatum et nous donne du plaisir !

Lorsque nous sortons de chez nous, notre hippocampe – le fameux GPS interne du cerveau – active notre striatum et nous donne du plaisir !

Câblés pour bouger

L’être humain semble par conséquent câblé pour bouger, et pour bouger beaucoup. Il cherche le mouvement, parce que c’est ancré en lui et que cela nourrit son esprit de découverte et de voyage. Pour nous, c’est comme une nourriture, de l’amour ou du bon vin.

Évidemment, voilà qui fait voir sous un autre angle l’expérience du confinement forcé. Si cela a été aussi difficile, c’est certes à cause du manque de contact social que nous avons dû endurer, mais aussi et surtout parce que nous voulons sortir, explorer, bouger, découvrir de nouvelles choses. La leçon pour la société, les citoyens et les politiques est claire : il va falloir trouver le bon équilibre entre ce câblage neuronal qui nous donne envie d’aller et venir, et la nécessité de limiter les déplacements pour des raisons à la fois sanitaires et écologiques : en effet, nous ne pouvons plus continuer de nourrir la connexion hippocampe-striatum de milliards d’individus en leur donnant des avions pour traverser la planète en tous sens et des moteurs thermiques pour partir sur les routes, cheveux au vent, simplement pour le plaisir de voir du paysage. Cette ère de la liberté totale dans le mouvement illimité, qui repose en fait sur une source d’énergie facile (le pétrole) ne semble plus tellement compatible avec notre survie en tant qu’espèce à moyen terme. Il va donc s’agir de trouver des moyens d’assagir en partie notre connexion hippocampe-striatum.

Comment apprendre à limiter durablement ses déplacements ?

Est-ce seulement possible ? Il est tout à fait probable que cet « instinct du mouvement » soit profondément ancré dans l’héritage génétique de notre espèce, auquel cas nous serions face à une situation presque insoluble. Mais toutes les parties du cerveau ont leur part de plasticité, et en réduisant notre fréquence de voyages, nous en modérerons aussi le besoin (jusque dans certaines limites). D’autant que les voyages long-courriers ne nous font pas voir toute la diversité des lieux et des personnes qui se trouvent sur le trajet : voyager de Paris à Bali nous fait ignorer tout ce qui se trouve entre les deux. Alors que marcher dans la campagne autour d’Avignon peut nous faire découvrir une foule de villages, de commerces, de collines qui nourrissent notre hippocampe et notre striatum, sans impact carbone.

Pour notre quotidien comme pour nos vacances, choisissons le mouvement, mais le bon !

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